La présidente brésilienne, Dilma Rousseff a écourté une visite au Chili pourregagner le Brésil en urgence. Certaines autorités du pays évoquent une journée de deuil national. L'incendie d'une discothèque de Santa Maria, une ville universitaire du sud du Brésil, et qui a coûté la vie à au moins 233 personnes dans la nuit de samedi à dimanche, a provoqué une véritable onde de choc émotionnelle dans tout le pays.
Un des propriétaires de la discothèque et deux musiciens arrêtés
Un des propriétaires de la discothèque et deux musiciens arrêtés
Dès le matin, les scènes décrites par les médias dépêchés sur place ont tenté deprendre la mesure de la catastrophe. D'après Zero Hora, le principal quotidien de la région, un premier camion militaire serait reparti, en début de matinée, avec près de 70 corps amassés sur son plateau arrière. Des pompiers auraient sorti des décombres des sacs plastiques remplis de téléphones mobiles dont certains sonnaient sans relâche. Une vidéo a été mise en ligne sur le site, montrant la difficulté des pompiers à accéder à l'intérieur du bâtiment. On y distingue également des habitants, torses nus, armés de bouts de bois tentant de casserles murs de la discothèque, dont une issue de secours était fermée.
"UNE FILLE EST MORTE DANS MES BRAS"
Selon les premiers témoignages, l'incendie a commencé vers 2 h 30 du matin dans la discothèque Kiss, située dans le centre ville. Il n'a été circonscrit qu'aux environs de 7 heures. Dans la salle, un membre du groupe qui se produisait sur scène aurait allumé un feu de Bengale. Selon différents médias, le fait d'agiterl'engin en direction du plafond aurait mis le feu aux mousses isolantes. Les flammes se seraient ensuite propagées très rapidement à l'établissement.
Rodrigo, un jeune présent dans la boîte de nuit, a déclaré à la télévision GloboNews avoir vu un musicien allumer un engin pyrotechnique d'où sont sorties des étincelles. Une employée de la discothèque, Ingrid Goldani, 20 ans, a expliqué au quotidien de la ville Dario de Santa Maria qu'elle a vu comment un membre du groupe a tenté, en vain, d'éteindre le feu d'abord avec de l'eau puis avec un extincteur. "Il était déjà trop tard, tout est allé très... le feu a pris (dans toute la boîte) en trois minutes", a-t-elle affirmé.
Selon Janio Vieira, un étudiant également présent, "le feu a commencé sur l'estrade et s'est propagé très rapidement". Il a eu ensuite un mouvement de panique et une bousculade à la porte de l'établissement. "J'étais près de la sortie de secours et j'ai réussi à sortir", a-t-il déclaré.
"Les barrières métalliques utilisées pour organiser les files d'attentes ont bloqué l'évacuation. Les gens s'entrechoquaient, tombaient. J'ai aidé à enlever les barrières. Les pompiers aussi s'intoxiquaient avec la fumée ", a témoigné Mattheus Bortolotto au Corrreio do Povo de Porto Alegre. "Une fille est morte dans mes bras. J'ai senti son cœur arrêter de battre, a-t-il poursuivi, sous le choc. Nous n'avons pas réussi à utiliser la sortie de secours. Ceux qui étaient au fond de la discothèque sont restés piégés."
SECOND INCENDIE LE PLUS MEURTRIER AU BRÉSIL
De sérieuses critiques ont commencé à se faire entendre à l'encontre du service d'ordre du Kiss. Plusieurs de ses membres n'auraient pas ouvert assez rapidement les portes de la boîte de nuit afin d'éviter que les personnes ne quittent l'établissement sans payer. Lors des secours, les pompiers ont dû percer un trou dans un mur pour évacuer les corps. Ceux-ci ont ensuite été évacués dans un premier temps au centre sportif municipal, avant d'être acheminés vers l'institut médico-légal de Santa Maria. Les six hôpitaux de la ville et d'autres de la région, à Canoas et Santa Cruz, ont accueilli les blessés, 233 d'après un dernier bilan de lapolice.
A la mi-journée, des jeunes survivants et des familles entières, attendaient dans l'angoisse l'identification des victimes devant l'institut médico-légal de la ville. Environ 400 jeunes personnes s'étaient retrouvées dans la discothèque au moment où l'incendie s'est propagé. Les autorités ont lancé un appel au calme et demandé aux familles d'apporter des photos des jeunes pour faciliterl'identification des morts et des blessés, la très grande majorité pour avoir inhalé de la fumée toxique.
Elles ont aussi appelé la population à donner son sang. Cet incendie est "le second le plus meurtrier jamais survenu au Brésil", selon les autorités. En 1961, un chapiteau de cirque avait pris feu à Niteroi, de l'autre côté de la baie de Rio de Janeiro, faisant 533 morts. Plus récemment, à Buenos Aires, en Argentine, le 30 décembre 2004, 194 personnes avaient péri dans une boîte de nuit appeléeRepublica Cromagnon. L'origine de la catastrophe avait également été un feu de Bengale.
Avant même la mi-journée, la présidente Dilma Rousseff a annoncé qu'elle annulait son voyage au Chili, où elle devait participer au sommet entre l'Amérique latine et l'Union européenne, pour se rendre sur les lieux. L'avion présidentiel s'est posé à 13 h 25 (heure locale) sur l'aéroport militaire de la ville. A Santiago du Chili, avant de prendre son envol, Mme Rousseff avait déclaré, les larmes aux yeux : "Je voudrais dire aux Brésiliens et aux habitants de Santa Maria que nous sommes solidaires dans ces moments de douleur." En fin de journée, elle s'est entretenue avec des familles de victimes. L'ancien président, Luiz Inacio Lula da Silva, a déclaré de son côté que "le pays était triste". Les autorités de la ville ont décrété un deuil officiel de trente jours.
Nicolas Bourcier
lemonde.fr
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