L'an dernier, 2712 ressortissants européens ont reçu un "ordre de quitter le territoire" belge. Parmi eux, un schaerbeekois de nationalité espagnole (qui a préféré garder l'anonymat). Le 3 décembre dernier, il se rend au guichet de sa commune, sur convocation : "là, la dame m'a demandé ma carte d'identité, puis elle m'a dit que je n'avais pas le droit de rester en Belgique et elle a gardé ma carte. Elle l'a mise dans une petite boîte. J'étais là, au milieu du grand hall... je n'ai pas compris ce qu'il m'arrivait". L'homme travaillait au sein du personnel d'entretien de l'Hôpital Brugmann. Un emploi sous le régime "article 60", subsidié via le CPAS de Schaerbeek. Il se pensait protégé par ce contrat de travail signé 4 mois auparavant, et qui devait durer encore 8 mois. Car jusqu'à très récemment les milliers d'Européens expulsés de Belgique, ces 3 dernières années n'avaient pas d'emploi et vivaient d'allocations sociales, depuis plus de 3 mois.
"Aucune chance réelle d'être engagé dans un contrat de travail"
Les motivations de l'Office des Etrangers pour prononcer une telle décision se retrouvent l'"ordre de quitter le territoire" reçu par notre témoin. Il y est inscrit "le fait qu'il travaille dans le cadre de l'article 60 prouve qu'il n'a aucune chance réelle d'être engagé dans le cadre d'un contrat de travail correspondant à une activité économique réelle, de sorte qu'il ne peut conserver son séjour sur cette base. Le but de ce contrat est précisément de procurer un emploi à ceux qui sont éloignés du marché du travail et qui dès lors, n'ont pas de chances d'être engagés". Ces phrases ont fait bondir Dominique Decoux (ECOLO), la présidente du CPAS de Schaerbeek. "ce qui est étonnant c'est que l'Etat fédéral encourage les CPAS à créer des emplois via les articles 60, et puis par ailleurs, dans une autre politique, considère que les articles 60 ne sont pas de vrais emplois et qu'ils ne donnent pas accès durablement au marché du travail. Près de 35% des bénéficiaires sont, dans les 3 mois qui suivent leur sortie d'article 60, déjà au travail, ou encore au travail, ou en formation". Autre argument de la présidente du CPAS de Schaerbeek "considérer qu'un travailleur est une charge déraisonnables, c'est quand même quelque chose de relativement incompréhensible dans la mesure où il paie des impôts, la sécurité sociale, il consomme, il fait vivre d'autres personnes"
Les travailleurs du secteur public menacé ?
Du côté de l'Office des Etrangers, la ligne est claire :"ces contrats subsidiés représentent une charge déraisonnable pour l'Etat" explique sa porte-parole. Au même titre que ceux qui bénéficient du revenu d'intégration sociale, sans travailler. Pour la présidente de CPAS, cela pose d'autres questions : "Est-ce que demain, on va dire ça de toute une série d'emplois de la fonction publique, ou subsidiés par des asbl, même subsidiés dans les grandes entreprises privées? On est en train de franchir un pas qu'on ne pensait pas franchir, un jour"
Notre témoin a déposé un recours au conseil du Contentieux des Etrangers. Il devrait recevoir une réponse fin mars. Aucune décision n'a encore été rendue côté francophone, mais côté néerlandophone, le Conseil du Contentieux a suivi l'avis de l'Office des Etrangers.
Hélène Maquet
rtbf.be