L’air est archiconnu. La Belgique, reste dans le peloton de tête européen en matière de coût salarial. Ce refrain ne plaît évidemment à personne. Ni aux syndicats, qui contestent l’ampleur du problème, ni aux employeurs, pour lesquels ce coût salarial élevé constitue un véritable frein à l’investissement. Pour la 4e fois, Deloitte a mené sa propre enquête à travers l’Europe, afin de déterminer exactement à combien se chiffre le coût salarial, et ce que le travailleur reçoit, au final, en poche.
Les résultats de cette vaste enquête exclusive confirment que la ponction faite sur le salaire des Belges est l’une des plus élevées d’Europe. Mais pas la plus élevée… La Belgique est en effet dépassée par la France dans la catégorie des employés, mais aussi, et c’est une nouveauté, dans celle des ouvriers (du moins pour les bas salaires), signale Deloitte. À titre d’exemple, un employeur belge payera, pour un "col blanc" qui gagne 50.000 euros bruts par an, 12.000 euros de charges en moins que ce qu’il payerait en France. Par contre, face à l’Allemagne, la situation est totalement inversée. L’employeur belge paiera 7.000 euros plus cher, et même 10.500 euros plus cher qu’un employeur en Grande-Bretagne…
Dans 11 des 19 pays passés au scanner par Deloitte, ces prélèvements destinés à financer la sécurité sociale ont tendance à augmenter, soit en raison d’une hausse du taux de cotisation, soit via un relèvement du plafond salarial sous lequel les cotisations sont perçues. La Belgique ne suit pas cette tendance. Mais dans nos contrées, il n’y a pas de plafond… Et c’est bien là le problème, pointe Deloitte: notre handicap salarial est notamment dû à ces cotisations sociales illimitées.
L’absence de plafond pour les cotisations sociales n’est évidemment pas le seul facteur qui explique les coûts salariaux élevés. Viennent s’ajouter l’indexation automatique des salaires — une spécificité que notre pays partage avec le Luxembourg et la Slovaquie -, et le seuil relativement élevé du salaire minimum (1.501,82 euros/mois). Ici aussi, la Belgique figure dans le top 3 des salaires les plus élevés, sous le Luxembourg (1.921 euros pour un travailleur peu qualifié) et au-dessus de la France (1.430,22 euros/mois).
Un net qui dégringole?
Et le travailleur, que lui reste-t-il en poche? Sur ce plan, les ouvriers sont avantagés. L’ouvrier père de famille perçoit en effet 69,5% de son brut, alors que l’employé à "bas salaire" dans la même situation ne reçoit "que" 61,5% de son brut. Un niveau qui chute rapidement: pour la tranche de revenu supérieure, l’employé ne perçoit déjà même plus la moitié du salaire brut, et chez les plus hauts revenus, on tombe carrément à 37,5%…
Le fait d’être marié, avec des enfants à charge est plus avantageux. Pour les ouvriers, la différence de salaire net entre l’isolé et le chef de famille se monte à plus de 4.000 euros. En Allemagne elle est de 2.000 euros.
La R & D peut nous aider
Avec un tel niveau de coût salarial, la Belgique peine à rester compétitive. En 2006, le gouvernement avait décidé de miser sur la recherche porteuse en terme d’innovation, et donc susceptible de résoudre en partie le handicap de compétitivité en baissant le coût salarial de façon substantielle pour les chercheurs. Dans le cas d’un célibataire gagnant 50.000 euros, la réduction atteint près de 13.000 euros. Elle grimpe à 18.000 pour un chef de famille qui gagne 75.000 euros. Une mesure qui pourrait faire la différence. "Peut-être devrait-on davantage la commercialiser pour améliorer notre position à l’échelle internationale", s’interroge Deloitte.
Et quid des sièges sociaux? Notre pays a coutume de se "vendre" aux investisseurs en mettant en avant sa position centrale, ses infrastructures développées, sa main-d’œuvre certes chère, mais qualifiée,… Nous figurons ainsi sur la "short list" des candidats, au même titre que le Luxembourg, la Suisse, l’Irlande ou les Pays-Bas. Mais la Belgique souffre de la comparaison des coûts salariaux. Par contre, grâce au statut fiscal particulier dont peuvent bénéficier des chefs d’entreprise opérant sous un statut d’indépendant (et sans employés), on remonte en haut du classement en terme de salaire net, au-dessus de l’Irlande, et parfois du Luxembourg. Un employé avec un salaire brut de 75.000 euros (avec voiture de société), en touchera 61,4% grâce à ce statut, alors qu’il n’aurait eu que 42,6% en tant qu’employé classique.